mercredi 28 septembre 2011

vendredi 29 avril 2011

Droit à la différence

Voici la traduction de deux articles publiés dans Salta21.


ÉDUCATION, DÉMOCRATIE ET VALEURS

   La province de Salta se distingue des autres provinces d’Argentine par la richesse de ses paysages, la force de ses traditions mais aussi pour être la seule province du pays qui oblige les élèves des écoles primaires publiques à suivre l’enseignement religieux. Et cela durant les heures de classe.

La Loi d’Education de la Province N°7546-08 affirme dans l’Article 8 que "les parents ou les tuteurs ont le droit que leurs enfants ou leurs pupilles reçoivent à l’école publique l’enseignement religieux en accord avec leurs convictions". Par "convictions", il faut comprendre religion catholique. Les cas de discrimination sont nombreux et les plaintes de parents quant à la partialité de cette loi augmentent de jour en jour.

Un cas similaire à beaucoup d’autres a eu lieu à l’école Joaquín Castellanos de Villa Las Rosas. Après avoir pris connaissance de la note qui demandait si les parents désiraient oui ou non que leurs enfants assistent à la classe de religion, la mère d’un élève est allée demander à l’enseignante de cette matière quelle était l'option dans le cas où son fils n’assiste pas à la classe susmentionnée. Surprise, l’enseignante n’a pas su lui donner une réponse car, selon ses propos, "(elle) ne s’était jamais imaginée ce problème puisque (elle) n’enseigne pas le christianisme mais les valeurs de la Bible".

Afin de trouver une solution, cette femme est allée parler avec la vice-directrice de l’école pour lui présenter la situation. Aussi surprise que l’enseignante de religion, elle lui a répondu que durant cette heure on enseignait des valeurs et que des enfants "d’une confession différente de la nôtre" assistaient à cette classe. Bien évidemment, on ne peut pas vivre sans religion ou sans prier un quelconque dieu. Elle a relevé également l’importance de participer à cette classe pour que les enfants puissent choisir eux-mêmes le culte qu’ils allaient professer. Et comme cette matière se charge uniquement d’enseigner le culte catholique, le choix devrait être plus facile.

A la fin de cette rencontre, la solution proposée à cette mère de la part de l’institution scolaire fut la suivante : que quelqu’un vienne surveiller son fils dans la cour pendant l’heure de religion. Comme elle n’avait pas le choix, elle est allée à l’école pour accompagner son fils dans la cour pendant que ses petits camarades répétaient comme des automates "Créateur, Créateur...". Au-delà d’être une solution honteuse, elle stigmatise et discrimine les gens différents. Elle génère un classement entre ceux qui croient et les autres.

La prof de religion, vexée par la décision de cette mère, lui dit que son fils n’allait pas être noté et que la seule manière d’obtenir une note était qu’il assiste à la classe. Face à la conception démocratique de l’enseignante, cette femme a décidé de poursuivre sa lutte et de rendre publique le cas de discrimination que son fils et elle subissaient.

Si elle a choisi une école publique c’est parce qu’elle a des convictions et qu’elle croit en l’éducation gratuite, publique, laïque et pour tous. Mais dans la province de Salta et à l’école Joaquín Castellanos, cela fait longtemps qu’on a oublié la loi 1420 et les fondements de l’éducation en Argentine. On ne peut pas nier que la Loi d’Education de la Province inclut la religion dans les programmes de l’école primaire. Mais on ne peut pas nier non plus, qu’en imposant l’enseignement d’une seule et unique religion et en pratiquant le chantage pour que enfants assistent à cette classe, l’école en question et indirectement le Ministère d’Education de la Province violent un principe de base de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (Art.18 : "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion") ainsi que la Constitution Nationale et de nombreux traités internationaux qu’elle reconnait.

Mais tout cela importe peu pour cette école. Elle est à Salta, elle respecte et elle applique ce que dit la Province. Et on ne peut pas punir une école pour respecter autant la Loi d’Education jusqu’à la transformer en un nouveau livre sacré. Un livre sacré qui, entre l’autel du Ministère et les portes de l’école, a du s'alléger de la partie sur l’éducation sexuelle et les langues vivantes...


ÉDUCATION, DÉMOCRATIE ET VALEURS (ÉPILOGUE)

   L’article précédent, publié par Salta21 le vendredi 15 avril, a fait du bruit et est arrivé jusqu’aux hauts fonctionnaires du Ministère d’Education de la Province qui ont décidé d’organiser une réunion avec la maman en conflit avec l’école Joaquín Castellanos pour l’enseignement religieux.

La réunion a eu lieu le mardi 19 avril dans le bureau de la Directrice de l’école, en présence de la maman, de l’enseignante de religion, de la Directrice et de deux superviseuses de religion du Ministère d’Education, arrivées quelques minutes après le début de la rencontre.

A cause d’un manque de communication et un malentendu entre le personnel administratif de l’école, la Directrice n'a été informée de cette affaire seulement un jour avant la réunion avec la maman mais s’est montrée tout aussi disposée à arranger les choses avec bonne volonté.

En plus du texte original publié par Salta21, les superviseuses sont arrivées avec un article du journal El Intransigente. Dans ce dernier, non signé, on pouvait lire que FM Noticias (au courant des faits depuis le début) avait réalisé une interview de la Directrice de l’école. Faits totalement inventés et faux qui avaient pour but de salir le combat de cette mère pour ses convictions.

Durant l’heure et demie de réunion, chaque personne présente a présenté sa vision en essayant toujours de trouver une solution convenable en se focalisant sur le bienêtre du petit. La tension des premières minutes s’est évanouie pour laisser place à une discussion constructive et cordiale durant laquelle les opinions de toutes les parties ont été respectées et écoutées.

La solution offerte par les superviseuses, et qui consistait à ce que le petit reste avec la maîtresse durant l’heure de religion pour améliorer ses points faibles, a été acceptée par la maman ainsi que la Directrice et l’enseignante de religion.

Le bout du tunnel commençait à être en vue pour cette mère et son fils. Ils ont obtenu ce que l’on peut considérer comme une "victoire" sur des années de respect aveugle à la tradition toute-puissante de l’Eglise à Salta. C’est un pas important pour l’évolution de la société et des mentalités mais ils restent beaucoup de batailles à livrer pour que soit respectée la liberté de conscience de tous les habitants de Salta.

(Suivent les remerciements de l’auteur et de la maman pour les personnes qui ont permis de résoudre ce cas ainsi que les félicitations de la Directrice du journal pour la qualité du travail du compagnon journaliste.)

jeudi 21 avril 2011

Une Marseillaise en soutane

L’enseignement du français dans la belle ville de Salta est une tâche qui revient à l’Alliance Française, même si cette dernière préfère investir dans des partenariats commerciaux avec Carrefour que dans la régularisation de ses professeurs.

Cette institution, présente dans plus de 130 pays, a pour objectif de diffuser et de promouvoir la culture et la langue française. Sa fondation remonte à l’année 1883 lorsque Paul Cambon, alors chef de cabinet de Jules Ferry, décide, avec l’aide d’un comité composé de personnalités telles que Ferdinand de Lesseps, Louis Pasteur ou encore Jules Verne, de favoriser l’emprise de la culture française dans l’empire colonial naissant.

Lors de mon arrivée dans cette ville, après m’être restauré pour une somme modique et m’être envoyé une bière locale, je me suis rendu à l’Alliance Française afin de me présenter. Je me suis tout de suite bien entendu avec la secrétaire et je me suis vite rapproché de l’institution afin de donner un coup de main lors des évènements culturels ou encore des examens. J’ai même été catapulté comme co-présentateur chargé de la musique pour l’émission de l’Alliance sur la Radio Universitaire locale[1]. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes...

Jusqu’au jour où une chose étrange s’est produite lors d’une exposition plastique. Toujours prête à défendre l’éducation secondaire, tant qu’il s’agit de celle payante et religieusement prodiguée, elle a ouvert ses portes aux élèves du Collège de la Divine Miséricorde afin qu’ils puissent exposer leurs travaux. Toujours informelle avec les écoles fréquentées par les gens comme il faut, l’Alliance n’a pas jugé utile de demander plus d’informations sur le contenu des dessins qu’elle allait exposer dans son enceinte. Et cela, même après que la stagiaire[2] chargée des évènements culturels ait alerté la direction sur l’ambigüité du titre de l’exposition, « La défense de la vie ».

Comme on pouvait s’y attendre, les dessins n’étaient pas consacrés à lutter contre la peine de mort, la famine, la guerre, la pollution ou encore le racisme mais bel et bien contre l’avortement. Explicites, directs, ils ne laissaient pas l’ombre d’un doute quant à leur message. Et si le dessin n’était pas clair pour tout le monde, une petite phrase explicative venait en remettre une couche : « Oui à la vie, non à l’avortement » ou encore « En-es tu capable ? » à coté d’un dessin représentant un fœtus et un revolver.

Tout était devenu clair. J’avais enfin compris comment fonctionnait cette institution : un comité directeur composé de vieilles bourgeoises conservatrices, des tarifs réservés aux beaux quartiers, un enseignement ultra classique respectant à lettre le contenu des manuels et basé sur les bonnes manières, un président fanatique de Napoléon et du bon maréchal de Vichy, une mauvaise gestion des fonds, une politique culturelle digne des Bronzés et un goût pour l’événementiel des plus vulgaires.

Dans l’une des provinces les plus conservatrices d’Argentine, l’Alliance Française se fond dans le paysage. Créée par l’élite et pour l’élite, elle défend avec vigueur les valeurs prônées par l’Eglise catholique, celles de la famille et du droit à la vie. Pilier d’une oligarchie bien pensante qui tire sa passion de la langue de Molière plus par goût pour les eaux de toilettes que par ses lectures des Lumières, l’Alliance Française de Salta est un reflet de la société féodale dans laquelle règnent sans partage les gros propriétaires terriens et les soutanes.

Avant de conclure, je voudrais préciser que, tout comme Renaud chantait Trois matelots pour « les planqués, les gradés » et non pas pour les braves matelots, ces quelques mots ne sont pas destinés aux profs sous-payés mais bien aux membres de la direction.

                                                                      
[1] Emission de laquelle on m’a  gentiment invité à dégager après des propos sur la politique sociale de Nicolas Sarkozy et sur l’avortement en Argentine...
[2] L’Alliance Française de Salta est friante de stagiaires...ça bosse, ça ne se plaint pas et surtout, ça gagne encore moins qu’un petit Cambodgien qui fait des ballons de foot.

mercredi 6 avril 2011

Froid partial

Comme durant toutes les périodes électorales, les sondages courent les rues et frappent aux portes. Un après midi tranquille mais frais, la sonnette de mon logis a rempli l'air de son doux bruit désagréable. Je dis désagréable car, dans la plupart des cas, il y a quelqu'un au bout du doigt qui a pressé le petit bouton. Je me suis levé sans bruit afin d'aller voir par la fenêtre ce qu'on me voulait. Quelle ne fut pas ma surprise en apercevant une fausse blonde quarantenaire, boudinée dans son jeans trop serré qui laissait entrevoir des années d'huile et de Coca. Pensant qu'elle venait m'offrir les dernières nouveautés en matière de coiffure ou d'esthétique, j'ai décidé de ne pas lui ouvrir la porte. Et puis, par la même, je dois avouer que je prenais plaisir à la voir se les geler dans ses vêtements bon marché. Ne reculant devant rien et poussant l'inopportunité jusqu'aux limites du bon goût, elle décida de s'acharner sur le petit bouton innocent. Ne supportant plus l'image de ma sonnette sous ces doigts qui, j'en suis sûr, tournent plus souvent les pages de Voici que celles des œuvres complètes de Kant, je me décidai enfin à lui ouvrir la porte.

Quelle ne fut pas mon autre surprise quand elle me demanda si j'avais cinq minutes pour répondre à quelques questions. Voulant en terminer le plus rapidement possible et la voir s'en aller loin de ce temple de culture qui me fait office de logis, je commençai à répondre aux susmentionnées questions. Elle ouvrit les hostilités par la politique nationale et la hausse des prix pour mieux enchaîner sur la qualité de vie. Une fois terminée avec la vie politique nationale, nous en sommes venus à la politique de la province. Ne me citant que trois des partis en lice pour les élections de dimanche, elle me demanda quelle image j'avais de Miguel Isa, l'actuel maire de Salta et le Don Diego de la Vega des ménagères de plus de 40 ans. Sans me laisser le temps de penser à une réponse pleine de l'ironie et de la subtilité qui me caractérisent, elle me lança: "Bonne ou très bonne ?". Surpris par autant d'optimisme, je lui demandai où étaient passées les autres possibilités. "C'est que j'ai froid, me répondit-elle sans vergogne".

mercredi 30 mars 2011

Hippocrate l'hypocrite (II partie)

J'ai trouvé cette lettre dans le courrier des lecteurs de www.elintransigente.com et dans le quotidien El Tribuno. La lettre est en relation directe avec l'article précédent Hippocrate l'hypocrite. Comme vous allez pouvoir l'apprécier, l'auteur, dont je tairai le nom pour que vous ne reconnaissiez pas Ignacio Segón, nous offre sa vision de ce fait divers cynique, celui d'une mineure violée par son beau père et qui s'est vue refuser l'avortement malgré la décision d'une juge.

"En effet, et pour aussi incroyable que ça paraisse, une juge de Salta a condamné à mort il y a quelques jours, un innocent d'à peine 14 semaines, sans même lui permettre d'exercer son droit à se défendre; et quel fut le délit qui a mérité la pire des peines ? Le seul fait d'être le fruit d'un supposé viol, qui n'a jamais été prouvé.

(...) 

Aujourd'hui, avec l'aide de professionnels, il est possible de garantir le bienêtre d'une mineure violée, la mort d'un enfant, en aucun cas."

Selon le très cher Ignacio, qui ne révèle pas ses sources, le viol n'a jamais existé. Avant tout cher camarade, permets moi de te féliciter pour ton respect de la présomption d'innocence des violeurs. C'est bien trop facile de croire tout ce qu'inventent ces adolescentes nymphomanes pour se sortir de certaines situations. 

Quant au fait de garantir le bienêtre d'une mineure violée, la Moutarde et moi-même aimerions te souhaiter quelque chose. Qu'un beau jour, ensoleillé de préférence, en rentrant de l'épicerie du coin, tu fasses la rencontre de quelques congolais efféminés récemment débarqués et avec une grosse faim de viande locale...

Cordialement et pour ne pas te servir.

Moutarde & Co.

P.S : Nous n'avons pas trouvé utile d'émettre des commentaires quant à l'éthique et au respect de la justice des journaux en question.

lundi 21 mars 2011

Hippocrate l'hypocrite

Il est vrai que, à l’instar des séries hospitalières où les médecins serrent les infirmières dans les sous-sols, les hommes à la blouse sont des héros. Comment oublier le beau George Clooney pratiquant une trachéotomie d’urgence à l’aide d’un stylo Bic ou encore, le non moins beau Docteur Sheperd ouvrant le cerveau d’un patient après quatre scotchs et trois internes en salle de garde. Que de souvenirs ! Que d’exploits ! Je dois l’avouer, à une époque, j’ai eu envie de faire médecine…Pour vous donner une idée, le nombre de filles baisables dans un amphi de médecine est comparable au bilan du tsunami japonais...avec les vagues en moins. Alors apprendre des noms à la con et ouvrir des cadavres est un prix relativement peu cher à payer pour accéder aux anatomies précédemment mentionnées. Même si je dois avouer que le silence des cadavres est parfois appréciable.

Après cette brillante introduction à faire aboyer toute féministe qui se respecte lorsqu'elle n'aura  plus les mains dans la farine, venons-en aux faits.

Comme vous le savez, la Moutarde et moi-même résidons à Salta, une ville où les curés sont à la vérité ce que Christophe Maé est à la soupe pour collégiennes prépubères. Dans cette bourgade bigote du Nord de l’Argentine, il est des sujets qu’il ne fait pas bon aborder et parmi ces derniers, l’avortement. Selon l’article 86 du Code Pénal de la République Argentine, l’I.V.G est interdite à l’exception faite des cas suivants :
  •  Si la vie de la mère est en danger.
  •  Si la grossesse est le fruit d’un abus sur une femme mentalement déficiente.
Malgré cette interdiction, on comptabilise entre 400 000 et 600 000 avortements clandestins pratiqués par an en Argentine. Certains sont pratiqués en secret par des professionnels de la santé et d’autres sont réalisés au fond de garages sombres par des personnes possédant autant de connaissances en gynécologie qu’un camionneur danois. Bien évidemment, il est inutile de préciser que dans de telles circonstances, la première cause de mort maternelle est directement liée aux complications suivent une interruption clandestine de grossesse. Et les exemples sinistres ne manquent pas à l’appel…

Il y a quelques semaines de cela, une jeune fille de 25 ans a été internée d’urgence après avoir subi une I.V.G. dans le cabinet d’une soi-disant gynécologue. Après enquête, il a été prouvé que la gynéco en question usurpait le titre médical de son mari, gynécologue de profession, mort dix ans auparavant. Aux dernières nouvelles, la jeune fille était encore dans le coma.

Plus récemment, les médecins du flambant Nuevo Hospital Materno Infantil(1) ont refusé de pratiquer un avortement sur une adolescente de 13 ans violée par son beau-père, puisque cette dernière ne répondait pas aux critères d’exception de l’article 86 du Code Pénal. On ne peut pas blâmer les médecins, ils ne font que respecter la loi et font honneur au serment d’Hippocrate original qui interdit les pratiques abortives. Des héros vous dis-je ! Cependant, dans le cas de cette adolescente, l’interruption volontaire de grossesse a été ordonnée par la justice…

Mais rien n’y fait. Les idiots en blouse campent sur leurs positions et avec ce refus, ils offrent deux solutions à cette gamine : donner naissance à un enfant qu’elle ne pourra jamais regarder dans les yeux, ou finir dans un garage, couchée sur un matelas humide et taché au milieu de tenailles, de pinces et d’alcool bon marché.

                                                  
(1) Hôpital construit en 2001 à l'aide de fonds publics et mis aux enchères par le gouvernement de la province en 2007, fatigué d'offrir les soins aux plus démunis. Depuis cette date, l'hôpital est géré par une société privée se trouvant en Espagne.

lundi 14 mars 2011

Un taxi et une Bible

Depuis la nuit des temps, je me rends au travail en taxi. Outre le fait que je n’ai jamais apprécié l’incompétence inhérente aux transports en commun, j’ai toujours renâclé à l’idée de me mélanger à la masse vulgaire, aux ouvriers, maçons, professeurs des écoles, adolescents abrutis, mômes criards et autres fonctionnaires totalement dépourvus de bon goût et incapables de distinguer un Côtes de Nuits d’un vulgaire Gamay.

Ce jour-là, un mardi plutôt banal, après m’être envoyé quelques bières afin de supporter pendant deux heures le manque de culture criant de mes élèves, je décide de me diriger en direction de l’avenue jouxtant mon logis afin de héler un taxi dans la pure tradition hollywoodienne des films new-yorkais.

Après quelques essais manqués, une resplendissante Peugeot 504 s’arrête à ma hauteur. Je monte en lieu et place du mort et, après avoir salué le chauffeur, je lui indique ma destination. Le compteur se met à tourner et nous voilà en route. Je remarque tout de suite qu’il conduit d’une manière un poil trop prudente ; chose rare dans ces contrées où brûler un feu rouge est aussi naturel que corrompre un fonctionnaire. C’est alors que je me rends compte que le chauffeur, un cinquantenaire bedonnant tout ce qu’il y a de plus insignifiant, est absorbé par la voix sexy de la locutrice de Radio María.

Voyant que je ne partage pas sa passion pour les récits radiophoniques de la bigote de téléphone rose, il me gratifie d’une analyse scientifico-mystique sur les caprices du climat digne de la rhétorique d’un coiffeur. Constatant que je ne porte pas plus d’attention au réchauffement climatique qu’aux histoires de résurrection, il décide de me demander, sans que rien n’y laisse paraître et avec une innocence inhérente aux personnes de sa profession, si je suis catholique. Je lui réponds que non, que je ne suis pas catholique.

Pâlissant à l’idée d’être assis à la gauche d’un hérétique et voulant en savoir plus sur le drôle d’animal que je suis, il s’empresse de me demander à quel autre culte j’appartiens puisque évidemment et de bien entendu, il est inenvisageable de survivre dans ce monde sans prier un quelconque dieu. Face à mon athéisme persistant et naturel, la pâleur sur son visage s’accentue. Ne voulant pas en rester là et se sentant le devoir de m’évangéliser à coups de sophismes au rabais, il me demande à qui je m’adresse lorsque je veux quelque chose. Ne comprenant pas sa question, je lui prie de bien vouloir éclairer ma lanterne de saleté de rouge. Il reformule sa question et la complète en me demandant à qui je m’adresse dans le cas où je voudrais acquérir une automobile. Je lui réponds que dans le cas présent, si je voulais acheter une voiture, il me faudrait travailler afin d’économiser et ainsi me permettre l’acquisition de la dite automobile.

Surpris par ma réponse frisant la logique kantienne, il reste de marbre, silencieux et perplexe. Je profite de ce moment clé du débat pour lui demander à mon tour s’il est catholique. Il m’affirme que oui avec une verve qui n’a rien à envier à Philippe Bouvard. Je saisis alors l’occasion de mettre un point final à la discussion et de sortir vainqueur de ce duel en lui jetant à la figure sans ménagement et d’une voix fluette : « Donc vous croyez que les choses tombent du ciel ? » Son mutisme m’indique que oui.

Savourant ma victoire, je lui indique le croisement auquel je souhaite descendre. Voyant que le compteur indique 9,40 pesos, je lui tends un billet de 10. Il me sourit d’un air malicieux et prend plaisir à me dire qu’il n’a pas de monnaie tout en me souhaitant une bonne fin de journée…Et moi qui pensais que l’avarice était un péché !

vendredi 11 mars 2011

La vie secrète des catholiques

Il y a quelques jours de cela, je me suis rendu à l'épicerie du coin afin de faire l'emplette de quelques légumes dans le but de réaliser une salade et ainsi de soulager ma conscience des cinq bières de la veille. En arrivant, j'ai constaté que je n'étais pas le seul à avoir eu l'idée de m'y rendre dix minutes avant la fermeture. L'épicerie était pleine de gens qui demandaient des choses sans le moindre intérêt pour moi. Pendant que j'attendais mon tour, j'écoutais avec le dédain qui m'est coutumier les conversations de ces personnes transpirant l'inculture crasse. Nonobstant, une des conversations attira un peu plus mon attention que les autres. Le gérant de l'épicerie, aussi élégant qu'un pantalon slim sur les jambes rwandesques d'un skateur pré-pubère, demandait à une jeune fille assez mal gaulée, pourquoi sa maman n'était pas venue elle-même faire ses petites courses. La jeune demoiselle lui répondit que sa chère mère était tombée dans les escaliers à cause de la pluie, tout en précisant qu'il n'y avait plus de saisons. Le gros bedonnant court sur pattes s'empressa de s'enquérir de l'état de santé de la susmentionnée. La jeune fille, sans hésiter une seconde, lui répondit qu'elle se portait comme un charme et qu'elle avait été victime d'une légère entorse de la cheville. "C'est qu'elle est bien tombée, grâce à Dieu, précisa la fille de la martyr".