mercredi 15 septembre 2010

Un papa et une maman

“ Nous voulons un papa et une maman “
Un mois de Mondial, de mariage et de chapelets…

   Lundi 14 juin. En cette matinée ensoleillée d’automne, sur la Place Güemes de la ville de Salta, les drapeaux « albiceleste » vibrent avec passion, les tambours résonnent et les escaliers tremblent sous le poids des collégiens venus en nombre. Deux jours plus tôt, l’Argentine de Maradona a réussi son entrée dans le Mondial en s’imposant sur le plus petit des scores face au Nigéria.

   Je presse le pas pour ne pas manquer le coup d’envoi de cette manifestation spontanée de soutien à la Sélection Nationale. Mais à ma grande surprise, il ne s’agit pas de sport mais de politique. En effet, sous le soleil de plomb, environ 400 personnes se sont réunies afin de défendre leurs convictions et de soutenir les législateurs et les citoyens qui allaient s’exprimer à l’intérieur de la « Legislatura » durant l’audience publique. A l’ordre du jour, le mariage entre personnes du même sexe.

   La manifestation a été convoquée via des affiches et internet. Impossible de savoir d’où vient l’initiative. Aucun nom sur les affiches. Seulement un message, une date, une heure et un lieu. J’aurai beau essayer d’en savoir plus, je n’obtiendrai pour réponse qu’un simple : « Nous sommes ici pour défendre le futur de nos enfants ».

   Je décide donc d’aller demander aux collégiens présents le pourquoi de leur présence en espérant que les langues de la jeunesse m’en apprendront un poil plus. Ignacio et Juan, uniformes et pompes bien cirées vont éclairer ma lanterne. Après les présentations d’usage, ils me révèlent qu’ils sont là pour « défendre la biologie et la survie de l’espèce » et que bien sûr ils sont opposés au mariage entre personnes du même sexe car « ça remet en cause les fondements de la religion catholique et de l’éducation ». Ils m’apprennent également que « pour la conservation du modèle familial catholique et naturel, il faut également interdire l’adoption aux couples homosexuels même s’il est possible que deux hommes ou deux femmes puissent donner autant d’amour à un enfant qu’un papa et une maman, ce n’est pas pareil et ce n’est pas éthique ». Avant de les remercier et de les quitter, je leur demande s’ils sont venus de leur plein gré. Je les sens un peu gênés. Le compagnon silencieux m’avoue, d’une voix fluette, que la directrice de leur collège leur a donné la matinée de libre à la seule condition qu’ils aillent défendre les valeurs familiales…

   Je continue mon enquête dans l’espoir de recueillir les impressions des personnes venues soutenir le mariage gay. Au loin, perdu au milieu de ce fleuve de pancartes et de drapeaux un peu ternes, j’en repère un aux couleurs de l’arc-en-ciel. En me frayant un passage au milieu des associations de sauvegarde de la famille, des valeurs nationales, des droits naturels et divins et des divers groupes paroissiaux, je prends la direction du célèbre drapeau coloré. Je me renseigne auprès des quelques militants de ALuDiS (Association en Lutte pour la Diversité Sexuelle) et du « Partido Obrero » séparés des personnes contre l’union homosexuelle par un cordon de police. Noelia, la vingtaine, me confie que « Salta est la province la plus conservatrice d’Argentine et que l’Eglise dirige tout ce qui s’y passe ». « On est encore au Moyen-âge ici ! La religion, la patrie et la famille sont les bases de cette société conservatrice ! ». Elle me raconte la discrimination, les insultes, les crachats et la violence que les gays et les lesbiennes subissent au quotidien. C’est pour cela, m’explique-t-elle, qu’il y a si peu de ses « camarades » présents aujourd’hui. La peur d’être identifiés comme homosexuels et de subir des représailles a gagné sur la lutte pour leurs droits.

   Après avoir recueilli les propos des deux camps, je me décide à écouter attentivement les plaidoyers des législateurs, des Sénateurs et des citoyens afin de prendre quelques notes. Les haut-parleurs placés sur le balcon de la « Legislatura » permettent aux personnes présentes sur la place d’assister à l’audience. Le premier à s’adresser à la foule est un Député national du nom de Olmedo. Il défend la conception de la famille traditionnelle et remet en cause l’éducation d’un enfant par un couple homosexuel. Les discours vont se suivre et se ressembler durant plusieurs heures. Des théories scientifiques selon lesquelles « l’homosexualité est une maladie au même titre que la zoophilie, la pédophilie ou l’inceste » aux arguments divins selon lesquels « Dieu a créé l’homme et la femme dans le but de préserver l’espèce ».

   Après les législateurs et les Sénateurs, une citoyenne lambda prend enfin la parole. Elle se présente comme « une mère, une grand-mère et une femme catholique » et se définit comme « une lionne fertile partie à la défense de ses petits ». Elle se dit fière de ses neuf enfants et de ses cinquante-huit petits enfants. La foule massée dehors applaudit. Elle continue en nous affirmant qu’il est impossible de « mettre deux pieds dans la même chaussure » et qu’une « minorité ne peut imposer des lois à la majorité ». Elle termine enfin son exposé par les conséquences que pourrait avoir cette loi : « Autoriser le mariage entre personnes du même sexe reviendrait à légitimer une union non naturelle et à ouvrir les portes à la légalisation de l’avortement ».

   En cette année qui a vu l’Argentine fêter le bicentenaire de son indépendance, les pincées de patriotisme vont bon train. Certains orateurs terminent leurs discours en citant l’hymne national ou par un simple « Vive la famille ! Vive la patrie ! ». D’autres préfèrent profiter du Mondial pour se lancer dans des comparaisons tirées par les cheveux : « Si la société était un terrain de foot, les homosexuels seraient les joueurs hors-jeu ».


   Lundi 28 juin. Une soirée fraîche à Salta. Autre place, autre ambiance. Sur la Place Cuatro Siglos, les drapeaux arc-en-ciel recouvrent les statues et les accords d’un rock énergique réchauffent l’air. Une cinquantaine de personnes, convoquée via Facebook est venue soutenir le mariage gay. Quelques discours, des films et de la musique. Le message est clair : « L’homosexualité n’est pas une maladie, l’homophobie si ». Malheureusement, les organisateurs espéraient plus de monde pour pouvoir aller défiler et se faire entendre… Peu encourageant avant le vote du projet loi par le Sénat le 14 juillet… En attendant, l’Argentine est en quarts de finale après sa victoire confortable sur le Mexique. Prochain adversaire, l’Allemagne.


   Mardi 13 juillet. L’hiver est enfin là. Les protégés de Maradona sont éliminés du Mondial. Le rêve prend fin, les critiques tombent et les vrais hommes pleurent. Place 9 de Julio, deux groupes se disputent la vedette. D’un côté, les défenseurs de la famille traditionnelle et de l’autre, les défenseurs de l’égalité pour tous. Les moyens ne sont pas les mêmes. Quand les premiers possèdent une scène et de puissantes enceintes, les autres usent de mégaphones, de bouteilles en plastique remplies de cailloux et de casseroles et de cuillères en bois. Malgré le froid, les militants des deux camps ont répondu présents.

   Après une messe en plein-air durant laquelle l’Evêque de Salta a appelé à prier pour les âmes « de ces pauvres gens malades », un groupe de folklore local est venu entonner quelques airs traditionnels. Une petite famille parfaite de musiciens, « fruit de l’amour entre une femme et un homme. Une famille traditionnelle pure souche et fière de l’être », selon les propos de papa guitariste.

   Dans l’autre camp, certains dansent, les yeux remplis d’espérance. Le lendemain, le Sénat doit voter le projet de loi sur le mariage entre personnes du même sexe, déjà approuvé par les Députés.


   Mercredi 14 juillet. Soleil blanc, air glacial. Il neige à Buenos Aires. Oubliant complètement l’invitation de l’Alliance Française pour le traditionnel discours et les serrages de mains dégoulinants d’une hypocrisie à peine feinte, je reste à la maison, proche du radiateur, les yeux fixés sur l’écran de l’ordinateur afin de suivre l’évolution des débats. Quelques clashs, des mots violents, une tension palpable et un résultat incertain. A l’extérieur, des milliers de personnes attendent avec impatience le dénouement de la session.

   Après quatorze heures de débat, le Sénat adopte le projet de loi avec 33 voix pour, 27 contres et 3 abstentions. L’Argentine est le premier pays d’Amérique Latine à autoriser le mariage entre personnes du même sexe. Et la loi va plus loin encore. Elle permet également aux couples homosexuels le droit à l’adoption. Une belle victoire pour toute la communauté homosexuelle d’Argentine. Et un bel exemple pour ses voisins proches…et plus lointains.


   Au lendemain de cette grande victoire démocratique, quelques questions me viennent à l’esprit : Cette loi fera-t-elle évoluer les mentalités d’un pays fortement ancré dans la tradition catholique ? Permettra-t-elle enfin un grand dialogue sur la possibilité d’un état laïque ? Sera-t-elle le premier pas vers une loi sur l’avortement ?

   A écouter les commentaires dans la rue ou au bistrot, il ne semble pas que les Argentins soient prêts à de tels changements. Ils avalent à peine la légalisation du divorce… Alors parler d’homosexualité…

mercredi 19 mai 2010

Symphonie

Il y a quelques semaines j'ai assisté à un concert, pardon, à un récital de l'Orchestre Symphonique de Salta dans l'enceinte du merveilleux théâtre de la province.

Certes je ne suis ni connaisseur ni amateur. Juste curieux. Certains auront trouvé la première partie plus organique que la deuxième ou encore auront su apprécier les envolées lyriques des altos. Pour ma part, j'ai trouvé l'ensemble plutôt "guinchant". Quand je dis "guinchant" ne vous méprenez pas. Je n'ai pas non plus entrainé la grosse dame assise sur le fauteuil jouxtant le mien dans une valse effrénée. Je dis juste que, sans m'en rendre compte, j'ai constaté que mon pied droit battait le rythme. Voilà ce que j'entends par
"guinchant".

Je ne vais pas non plus me répandre en éloges banales ou en tapes dans le dos ni vous compter la justesse des arrangements. Ce n'est pas mon propos et d'ailleurs j'en serai bien incapable.

En fait, ce qui m'a frappé lors de ce récital, outre la nervosité maladive du chef d'orchestre, c'est cette odeur qu'il y avait dans l'air.

Une odeur difficile à décrire.
Une odeur que même Grenouille n'aurait pas su saisir.
Une odeur qui n'avait l'air de déranger personne à part moi.
Une odeur qui allait grandissant au fur et à mesure que les personnes présentes pénétraient dans la salle.
Une odeur de cuir, de faux parfums français, de pelouses bien tondues, de messe du dimanche, de conversations superflues, de teintures vulgaires et de fourrures bon marché...
Une odeur...

Ça sentait la droite.

lundi 22 mars 2010

Chronique de la haine ordinaire

Les avez-vous déjà vu, ces saltimbanques, ces bouffons de passages piétons, ces clowns pathétiques, ces tresseurs de bracelets, ces serpillères, ces saletés, ces guenilles, ces dreadeux, ces rebelles de canapé, ces artisans bobos qui pourrissent les feux rouges, ces révolutionnaires post-Coca Cola, ces végétariens grégaires, ces bouffeurs de bio, ces nantis tout qui boivent les sous de papa kiné, ces lanceurs de quilles, ces Che Guevara de supérettes, ces écornifleurs, ces manges merde, ces parasites, ces défenseurs des plus démunis quand ils ne sont pas couchés sur l'herbe, ces anarchos de deux sous, ces donneurs de leçons accrochés à leur portable, ces moisissures, ces Jean Foutre, ces déchets, ces maquisards de squares publics, ces raclures de bidets, ces aventuriers qui pètent dans la soie, ces écolos semeurs de mégots, ces rats, ces chiens...?

Si ce n'est pas le cas, ne faites pas attention à eux, ne leur offrez rien, pas même un sourire. Cependant, ne perdez jamais une occasion de leur cracher à la gueule.

jeudi 7 janvier 2010

500 connards...

Une étape, un mort...Belle moyenne pour la nouvelle édition du Paris-Dakar en Argentine et au Chili ! Après avoir pris l'Afrique pour une cour de récréation pour quarantenaires frustrés et rockeurs en recherche de sensations fortes, les imbéciles en cuir ont envahi depuis maintenant deux ans l'Amérique du Sud...

Pourquoi l'Amérique du Sud me direz vous ? Facile.

- Premièrement parce que c'est un continent habitué aux invasions et aux pillages.

- Deuxièment parce que les gouvernements éthiques et droits sont toujours prêts à ouvrir les bras et les frontières et à fermer les yeux quand il s'agit de recevoir les cousins européens ou "gringos". Un peu plus ou peu moins de pollution...! Le désert est grand et puis c'est de la bonne pub pour les potentiels investisseurs. Et en plus de ça, ça fait croire à tout le monde entier qu'il n'y a pas de pauvres en Argentine, seulement des têtes pleines d'eau passionnées de vitesse, de moteurs et de vroum vroum...Des vrais européens, quoi !

- Troisièmement parce que les camarades africains étaient un peu fatigués de voir passer des bolides au milieu des villages et ils l'ont fait savoir par une invitation à aller voir ailleurs s'ils y étaient en bonne et due forme.

En attendant, le total s'élève désormais à 55 morts (participants, organisation et public) depuis la création du "rallye mécanique des Mad Max de bazar".

De son vivant, Renaud se demandait :

"Combien d'années enfin
 Ces bœufs sponsorisés
 Prendront l'sol africain
 Pour une cour de récré"

Voilà camarade Séchan, les boeufs sont au pays des bovins et cela pour un bon moment...

On en viendrait presque à légitimer les menaces terroristes...
 
Sur ce, et en vous tenant au jus des différentes évolutions et des différents décès, la moutarde et moi-même vous souhaitons une année 2010 moins merdique que la précédente...